Je t’ai tant désiré, tant attendu, j’ai tant préparé ton arrivée. Dès que j’ai vu apparaitre les deux petites lignes sur le test de grossesse, je t’ai aimé.
9 mois, 40 semaines à sentir la vie se former, grandir, se mouvoir en moi. Chaque coup que je ressentais venant de toi me donnait l’impression d’être vivante de l’intérieur. Je crois que c’est cela, l’amour maternel…
Te voilà!
Juin 2006, te voilà en chair et en os. Nous avons vécu un accouchement très difficile, bourré de substances chimiques qui m’ont donné l’impression qu’il y avait un fossé entre toi et moi. Blotti dans tes couvertures, je te regardais comme si tu étais un petit étranger. Drôle de sentiment! L’amour y était, certes, mais cette peur de l’inconnu m’a fait plonger dans un état catatonique. Pourtant, je croyais que j’étais bien préparée…
Un moment difficile
Je crois que j’ai vécu un épisode de dépression post-partum.
Je ne comprenais pas tes signaux ni tes besoins. Nous pleurions au même rythme ; toi, car tu avais soif, et moi, car je ne savais pas que tu avais soif. Je lisais pourtant le livre que les gens de l’hôpital nous avaient proposé. Tu n’étais pas un livre, mais bien un petit être humain qui ne demandait qu’à être pris et nourri. Je me sentais comme une automate. Plus je culpabilisais, plus tu pleurais…Je crois, avec le recul, que tu ressentais ce mal-être qui m’habitait.
Prendre le temps…
Il a fallu quelques jours pour que toi et moi, on s’apprivoise. Je me rappelle, c’était le 24 juin. Famille et amis allaient fêter. Nous sommes restés là, à les regarder s’amuser. C’est alors que j’ai compris et ressenti que nous deux, eh bien, c’était pour la vie. J’ai arrêté de me fier seulement aux lectures, de trop raisonner, d’essayer d’être une mère parfaite. Je t’ai écouté. Bon, il est vrai que je n’ai pas compris du premier coup, mais j’ai eu ce sentiment que j’étais une maman, ta maman.
À l’époque, je ne savais pas ce qui venait de se produire. Je ne connaissais pas les effets que l’ocytocine synthétique pouvait avoir sur notre relation. Je pouvais encore moins en parler, car on entend partout que l’amour d’une mère doit être instantané. Il l’a été, rassure-toi, mais j’ai dû apprendre à te comprendre.
On dirait que tout cela est bien loin maintenant. Ça l’est : tu es un adolescent exceptionnel, mais dans mon cœur, dans mes tripes, je revis parfois ces moments et, oui, je culpabilise. Je voudrais reprendre des petits bouts de notre vie avec les connaissances que j’ai maintenant. Mais sachant bien que tout cela est impossible, je souhaite le partager avec le plus de gens possible. Leur murmurer que nous avons tous un instinct, mais qu’il faut se laisser du temps, qu’il faut accepter l’aide proposée, qu’il faut se pardonner les bévues sans gravité, et qu’au fond de chacun de nous, nous avons la capacité d’être parent.
Marie Eve M. Themens, L’accompagnante